ALBERTO MAGNELLI
COLLAGES
2011
En 2009, la Galerie Patrick Derom consacrait une exposition rétrospective au travail d’Alberto Magnelli. Du 29 avril au 25 juin 2011, la galerie organise une deuxième exposition-vente des collages de Magnelli: un ensemble de quarante-six collages réalisés entre 1936 et 1965 dont huit collages sur papier à musique datant de 1941, ainsi que dix lithographies d’après collages. Jamais autant de collages de Magnelli n’ont été exposés en Belgique auparavant. Le collage occupe une place de choix dans l’œuvre de l’artiste: de 1947 à 1968 il en a réalisé plus de cent trente, dont trente pour la seule année 1964. La technique du collage de Magnelli est avant tout une expérimentation des matériaux et de leurs composantes formelles.
Alberto Magnelli (1888-1971) se considère comme un « pittore Fiorentino », un peintre Florentin. Si ses sources sont diverses, les maîtres italiens du Trecento et du Quattrocento demeurent sa principale source d’inspiration en raison du sens de la couleur et de la composition. Lors d’un voyage à Paris en 1914, il rencontre Apollinaire, Pablo Picasso, Juan Gris, Max Jacob et Henri Matisse. Plus tard, Hans Arp et Sonia Delaunay s’ajouteront à la liste de ses amis et connaissances, ainsi que Kahnweiler, Peggy Guggenheim, Hélion, van Doesburg, Kandinsky, Cocteau, Léger, de Chirico… La confrontation avec les œuvres de l’avant-garde européenne présentes à Paris à ce moment-là - œuvres qu’il ne connaissait que d’après les reproductions en noir et blanc dans les revues et les livres - donne un nouveau souffle à sa peinture figurative, sans qu’il n’adhère jamais manifestement à aucun mouvement en particulier. La découverte du Cubisme et du Futurisme mène Magnelli vers des toiles d’une incroyable audace, suivies des abstractions de 1915 et des “Explosions lyriques” de 1918-1919. L’hiver de 1931-1932 est marqué par un nouveau départ: la mise en œuvre des peintures de « Pierres » - qui fait suite à sa visite aux carrières de Carrare - dans lesquelles Magnelli commence ses recherches sur les textures. C’est avec les Pierres que Magnelli est introduit auprès du public parisien lors d’une première exposition personnelle à la Galerie Pierre Loeb en 1934. La galerie expose les peintres abstraits Arp, Calder, Hélion et Kandinsky. L’année suivante signifie pour Magnelli celle du retour définitif à l’abstraction et un tournant vers une nouvelle complexité qui le distingue clairement de ses collègues et de ses contemporains.
La brusque irruption de la technique du collage en 1936 dans l’œuvre d’Alberto Magnelli découle de ses recherches préalables sur les nouvelles matières, les supports et les textures inédites, déjà perceptible dans ses peintures de “Pierres”. Depuis le cubisme les collages avaient acquis une place de choix parmi les cercles d’avant-garde, néanmoins les collages de Magnelli ne ressemblent à rien de ce qui a existé jusqu’alors dans ce domaine. Le matériau utilisé – papier d’emballage ou de relieur, plaque de tôle ou de zinc, papier de verre ou carton ondulé, papier de tapisserie, papier carbone – est en quelque sorte restauré dans sa qualité initiale. Si les collages de Magnelli se rapprochent d’une autre œuvre, c’est plus de celle de Kurt Schwitters que des papiers collés cubistes. Mais à la différence de Schwitters, Magnelli n’accorde aucune valeur narrative ou sentimentale aux matériaux utilisés. Le seul but est de sonder le potentiel que présentent les textures particulières, les couleurs et les formes dans une compostion abstraite. Le grand Collage sur fond noir de 1938, d’autres collages, les ardoises (de petits tableaux sur des ardoises d’école) et de petits objets peints apparaissent dans sa première exposition à New York organisée en 1938 par Karl Nierendorf. Les collages sur papier à musique, dont huit sont repris dans cette exposition, occupent une place à part dans les collages de Magnelli. Tous sont réalisés durant les années de guerre 1941-1942 à Grasse, où il travaille et vit en voisin avec Jean Arp et Sophie Tauber-Arp. Ce sont des œuvres où Magnelli associe le rythme plastique (celui des formes et des figures) au rythme musical. Durant cette période, il réalise également des collages de plus grand format, dont le Collage au fil de fer et le Collage à la ficelle qui sont exposés ici et qui sont des œuvres-clés dans l’évolution des collages.
La première grande exposition de Magnelli à Paris en 1947 à la Galerie René Drouin, dont les textes lyriques du catalogue sont faits par Jean Arp, signifie le véritable lancement de Magnelli. Après-guerre, ses collages sont exposés pour la première fois chez Denise René en 1949. Heinz Berggruen consacrera encore une exposition entièrement aux collages de Magnelli en 1957. L’abstraction dans l’œuvre de Magnelli exprime toute sa singularité dans les collages: la matière résiste à la volonté du peintre; elle oblige à réinventer en fonction d’elle l’espace pictural qui, dans les toiles de Magnelli, tend à juxtaposer sans solution de continuité la forme et le fond. Magnelli s’est laissé guider par son rythme personnel, sa sensibilité, son inventivité poétique et sa réflexion architecturale, qui le mènent vers une parfaite maîtrise de l’abstraction.