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POL BURY

RETROSPECTIVE

2007

En 2006, les musées Royaux des Beaux-Arts organisaient une exposition documentaire monographique en hommage à Pol Bury. Visant l’essentiel, cette exposition présentait des œuvres choisies, privilégiant la qualité à la quantité. Par ailleurs, il faut bien reconnaître que, malgré le rôle primordial qu’a joué Pol Bury dans le développement de l’art cinétique dans notre pays, la dernière grande exposition qui lui ait été dédiée date d’il y a plus de dix ans, au PMMK d’Ostende, en 1995. Toutefois, des événements lui rendent régulièrement hommage tels l’exposition en plein air du château de Seneffe (en cours lors de la mort de l’artiste en 2005) et celle, essentiellement documentaire, organisée l’an passé à La Louvière, sa ville natale.

 

Du 3 octobre au 1er décembre, la Galerie Derom rendra hommage à l’artiste louviérois en exposant une sélection de plus de 100 pièces - dont la plupart sera à vendre - parmi l’œuvre multiple de Pol Bury. L’ambition y est de retracer les différentes époques de sa carrière artistique. Car, si c'est surtout par ses reliefs et ses œuvres cinétiques que Bury a sa place dans l’histoire de l’art du XXe siècle, on ne pouvait imaginer une rétrospective sans considérer l’œuvre dans son ensemble. Sculptures, collages, peintures et bijoux mais aussi des films, photos, revues et affiches complèteront la collection, illustrant la vie et la carrière de l’un des artistes belges les plus importants de l’après-guerre.

 

L’œuvre de Bury naît dans un contexte surréaliste à la fois belge et international. Ses premières œuvres subissent clairement l’influence d’un Magritte ou d'un Tanguy. Mais il quittera rapidement le surréalisme orthodoxe qui aura – notons-le - une répercussion sur son œuvre abstraite et cinétique ultérieure. En effet, cette attirance pour l'inconscient l'amènera à la réalisation de mouvements inattendus et hasardeux. Entretemps, Bury fait la connaissance du groupe Cobra – créé en 1949 – par l'intermédiaire de son ami Dotremont. Il y découvre un anticonformisme et une liberté expérimentale qui le séduisent. Cependant, il n'adhérera jamais réellement à ce mouvement, plus attiré par l'abstraction géométrique au début des années 50. A cette époque, il fait la connaissance de l'œuvre de Calder. C'est le plus grand choc de sa carrière qui le conduira au "spatialisme". Avec d'abord quelques expérimentations de reliefs mobiles colorés, Plans Mobiles, Bury démarre un travail autonome. Il crée alors ses Ponctuations qui feront naître des œuvres à la fois tableaux et sculptures, présageant des mécanismes électriques qui feront bientôt partie intégrante de sa création. La notion de temps y prend dès lors une importance particulière: les reliefs de Bury ne se meuvent pas naturellement, non, ils bougent lentement, imperceptiblement, anarchiquement.

Jean-François Revel disait d’ailleurs:

« Le coup de génie de Pol Bury est d’avoir pensé à faire des sculptures qui bougent un tout petit peu.

  Cela n’a l’air de rien quand on le lit : mais quand on y est, c’est aussi terrifiant qu’un conte d’Edgar Poe. »

 

Temps et mouvements s’expriment au travers de créations détachées de toute ressemblance à la réalité : une planche de bois de laquelle jaillissent des fils de nylon aux bouts blancs, lesquels bougent lentement, mystérieusement. On n’y retrouve aucune image connue, aucune forme esthétique découlant de l’art abstrait non plus. L’artiste est alors totalement libéré des contraintes de la peinture et de la sculpture classiques. Néanmoins, l’empreinte du surréalisme sera présente dans une œuvre qui associe une volonté d'anarchie inconsciente à un nouveau langage vivant teinté d'humour.

 

Il ne fallut pas longtemps pour que Bury soit pris sous l’aile de grandes galeries parisiennes telle la Galerie Denise René et plus tard, la galerie d’Aimé Maeght. Ensuite, en la compagnie d’initiateurs comme Soto, Tinguely et Vasarely, sa carrière internationale prendra son envol. De 1966 à 1968, il passera d’ailleurs plus de temps à New York qu’en Europe. Ne travaillant alors que le bois, il commence à s’intéresser au métal lui permettant d’utiliser des systèmes magnétiques qui donneront place à plus de hasard dans le mouvement qu’il désire créer.

 

A partir de 1964, Bury donne à son œuvre une autre optique dont il essayera de repousser les frontières tout au long de sa vie. Avec ses Cinétisations, il détourne des clichés usés tels des photos « carte postale » de Venise ou de la Tour Eiffel pour leur redonner vie, à l’aide de techniques de collage singulières. L’image, découpée en tranches circulaires, se reconstitue grâce à un mécanisme qui, par un léger décalage, a pour effet de faire danser la Tour Eiffel, que la vague de Hokusai engloutisse Venise, ou encore de donner un regard éthylique aux peintures de Mondrian ou Vasarely.

 

En 1971, il repousse les limites de ses Cinétisations en s’adonnant à ses Ramollissements de tableaux. Ces derniers perdent leur structure pour donner l’impression de fondre. Les horloges liquides de Dali ou les formes organiques de Tanguy s’en rapprochent. A nouveau apparaît l’intention surréaliste d’aliénation. Mais quand les surréalistes créent des univers oniriques, Bury s’attaque quant à lui aux clichés, figés par la culture de masse.

 

En 1976, avec sa première fontaine hydraulique et son plafond de la station du métro bruxellois de la Bourse, l’œuvre de Bury prendra un nouveau tournant: il se consacrera de plus en plus à la sculpture monumentale. À partir de 1980 mais surtout dans les années 90, elles intégreront les paysages urbains des quatre coins du globe: la fontaine pour le Guggenheim Museum à New-York (1980), la fontaine pour la Provinciehuis à Anvers (1981), la fontaine pour le Palais Royal à Paris (1985), une fontaine pour la Tohoku University of Art and Design à Yamagata, Japon (1994), …

 

Dans le but de montrer ce pan essentiel de la carrière de Bury la Galerie Derom ouvrira son espace au Petit Sablon. Des maquettes et des photos de ces œuvres monumentales y seront présentées. On pourra découvrir une fontaine en fonctionnement dans le petit jardin attenant, exemple d'autres fontaines disponibles à la vente.

 

Enfin, Pol Bury fut également l’auteur de bon nombre de tracts et de livres. Ceux-ci sont marqués d’une logique sévère dérivant vers l’absurde tel le Sexe des Anges et celui des Géomètres, ou encore témoins de son réel intérêt pour la politique et la place de l’artiste dans le monde, par exemple dans la Révolution à cheval et l’art à bicyclette. Sans oublier les nombreuses publications du « Daily Bul » qu’il fonda en 1959 avec André Balthazar, ses pamphlets, magazines et autres publications qui révèlent un humour sec, absurde et grave, mais aussi qui démontrent une envie sans limites d’expérimentation poétique et graphique.

 

Dans cette aventure Bury fut accompagné des plus grands tels Alechinsky, Jean Tardieu, Gaston Chaissac, Roland Topor, Paul Colinet, Achille Chavée ou encore Henri Storck, pour ne citer qu’eux.

 

Nous présenterons une sélection de ces écrits accompagnés de photos et documents dans une salle où sera également projeté le film documentaire réalisé en 1978 par Jean Antoine.

 

C'est donc sous une forme très complète, bien qu'elle ne soit pas exhaustive que la Galerie Derom fera découvrir ou redécouvrir l'œuvre d'un artiste d'exception à qui l'on doit une grande reconnaissance.

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